"Война и мир, стр. 110

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joie. Vous m'aimez donc toujours, ma poetique Julie. L'absence, dont vous dites tant de mal, n'a donc pas eu son influenсе habituelle sur vous. Vous vous plaignez de l'absence – que devrai je dire moi, si j'osais me plaindre, privee de tous ceux qui me sont chers? Ah l si nous n'avions pas la religion pour nous consoler, la vie serait bien triste. Pourquoi me supposez vous un regard severe, quand vous me parlez de votre affection pour le jeune homme? Sous ce rapport je ne suis rigide que pour moi. Je comprends ces sentiments chez les autres et si je ne puis approuver ne les ayant jamais ressentis, je ne les condamiene pas. Me parait seulement que l'amour chretien, l'amour du prochain, l'amour pour ses ennemis est plus meritoire, plus doux et plus beau, que ne le sont les sentiments que peuvent inspire les beaux yeux d'un jeune homme a une jeune fille poetique et aimante comme vous. «La nouvelle de la mort du comte Безухой nous est parvenue avant votre lettre, et mon pere en a ete tres affecte. Il dit que c'etait avant derienier representant du grand siecle, et qu'a present c'est son tour; mais qu'il fera son possible pour que son tour vienne le plus tard possible. Que Dieu nous garde de ce terrible malheur! Je ne puis partager votre opinion sur Pierre que j'ai connu enfant. Il me paraissait toujours avoir un coeur excellent, et c'est la qualite que j'estime le plus dans les gens. Quant a son heritage et au role qu'y a joue le prince Basile, c'est bien triste pour tous les deux. Ah! chere amie, la parole de notre divin Sauveur qu'il est plus aise a un hameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est a un riche d'entrer dans le royaume de Dieu, cette parole est terriblement vraie; je plains le prince Basile et je regrette encore davantage Pierre. Si jeune et accable de cette richesse, que de tentations n'aura t il pas a subir! Si on me demandait ce que je desirerais le plus au monde, ce serait d'etre plus pauvre que le plus pauvre des mendiants. Mille graces,